JLAR  1999

 

Sommaire

 

Médecine d'urgence QUELQUES NOUVEAUTES SUR LA PRISE EN CHARGE DE L'INFARCTUS DU MYOCARDE EN PHASE AIGUE

Auteurs : P. Goldstein , Ch. Adriansen, V. Van Laer, R. Garrigue, H. Menu

SAMU Régional de Lille CHRU Lille - 59037 LILLE CEDEX

Résumé :

L'urgence coronaire a depuis quelques années indiscutablement bénéficié de progrès thérapeutiques considérables. Le challenge pour ce qui reste l'un des problèmes majeur de santé publique pour notre pays est certes de diminuer la mortalité mais aussi la morbidité.
Le développement de la thrombolyse précoce, au mieux pré hospitalière, par les équipes des SMUR a probablement contribué à l'amélioration globale de l'infarctus.      Les grandes études multicentriques (EMIP, GISSI, MITI) ont ainsi ouvert la voie à ce qui devrait aujourd'hui être un standard thérapeutique. L'angioplastie de reperfusion est cependant supérieure en terme de reperfusion et d'inocuité. Il convient aujourd'hui d'évoquer des stratégies de reperfusion associant ces deux techniques plutôt que de les opposer.

    Les thrombolytiques aujourd'hui utilisés sont des activateurs du plasminogène fibrinospécifique, le rt-PA ou Actilyse est le plus prescrit. Le reteplase ou Rapylise est d'introduction plus récente et est utilisable en double bolus.
Les études angiographiques RAPID I et RAPID II ainsi que l'étude GUSTO III ne permettent pas de constater de différences significatives entre les deux produits. D'autres produits encore plus pratique d'utilisation sont aujourd'hui en phase ultime de développement : la lanoteplase (UPA) semble entraîner plus de complications hémorragiques intracérébrales chez certaines sous populations à risque (étude INTIME 2), la staphylokinase semble intéressante mais la molécule aujourd'hui qui est promise au meilleur avenir est probablement le TNK-tPA qui peut être administré sous forme de simple bolus. Les études ASSEN 1 et 2 ont montré une mortalité et une morbidité équivalente au rt-PA et même une meilleure sécurité d'emploi pour les patients de plus de 75 ans.

Les antiglycoprotéines IIb/IIIa qui sont des inhibiteurs spécifiques de la coagulation plaquettaire viennent aujourd'hui compléter cet arsenal thérapeutique nouveau. Ils pourraient être administrés dès la phase pré hospitalière afin de préparer l'angioplastie et le stenting dans l'infarctus du myocarde et gagner ici en morbidité et en mortalité sur le long terme (étude ADMIRAL). L'avenir est surtout aux associations thrombolyse-anti GP IIb/IIIa. En effet les anti GP IIb/IIIa associés à des doses plus faibles de thrombolytiques favoriseraient une reperfusion coronaire plus rapide et plus durable. Plusieurs études pilotes (TAMI 8, PARADIGM) concordent sur ces points. Les résultats de TIMI 14 vont en ce sens. L'étude GUSTO IV qui devrait débuter prochainement sur une grande échelle et comportera peut-être un bras pré hospitalier peut déboucher sur une véritable modification de la stratégie de prise en charge de l'infarctus.

Il faut associer à ces nouveautés l'expérience de Christian Spaulding et du SAMU de Paris, récemment publiée dans le New England Journal of Medicine, qui ont dans le cadre de l'urgence immédiate effectué des coronarographies chez des patients victimes d'arrêt cardiaque probablement d'origine coronarienne et réanimés avec succès. Dans 70 % des cas, il y a des lésions coronaires significatives et une angioplastie a été réalisée chez 75 % des patients. La survie hospitalière est de 37 % ce qui est largement au dessus de la moyenne des résultats nationaux. Il semble cependant peu réaliste de proposer une angioplastie en urgence à tous les malades réanimés avec succès après un arrêt cardiaque pré hospitalier. L'amélioration de la prise en charge de la mort subite de l'adulte passe probablement plus par une diffusion large auprès des secouristes de la défibrillation semi-automatique.

Le diagnostic biologique de l'infarctus bénéficie également de l'utilisation de nouveaux marqueurs biologiques et plus particulièrement du dosage de la troponine myocardique. Elle est constituée de trois sous unités T, I et C. Le dosage des troponines T et I dans le plasma par méthode immuno-enzymatique peut être réalisé en routine dans de nombreux laboratoires hospitaliers. La Troponine I est particulièrement spécifique du muscle cardiaque. Elle apparaît dans les 3 à 6 heures qui suivent les premières altérations de l'infarctus et présentent une fenêtre diagnostique beaucoup plus étendue dans le temps. Le dosage de la Troponine I est spécifique du diagnostic positif d'IDM et est d'un intérêt pronostique majeur en cas d'angor instable. Par ailleurs il semblerait que le dosage de la Troponine est plus spécifique que celui des CK-MB en per opératoire.

Ce dosage de la Troponine est particulièrement intéressant pour évaluer le risque d'un patient présentant un angor instable ou un éventuel infarctus sans onde Q d'évoluer vers une véritable nécrose transmurale. L'augmentation de la Troponine justifie donc un transfert rapide en service de réanimation cardiaque.
L'angor instable bénéficie par ailleurs d'autres innovations de prise en charge après le résultat de nouvelles études récentes. C'est ainsi que l'étude ESSENCE a démontré la supériorité de l'enoxaparine sur l'héparine non fractionnée en terme de mortalité et de morbidité.
Malgré toutes ces nouveautés les résultats sont insuffisants et les efforts des différentes équipes engagées dans l'urgence coronaire doivent avant tout porter sur les exclus de la reperfusion. Les campagnes d'information sur l'alerte précoce au 15 en cas de douleurs thoraciques, si elles sont bien conduites, devraient permettre de gagner ainsi sur le pronostic de la maladie aiguë coronarienne.

Offrir au patient un maximum de chances et ce où qu'il puisse être. Cette volonté affichée passe par une véritable organisation en réseau de l'urgence coronaire, réseau dont les bras armés sont les SMUR et le centre le plateau technique de cardiologie interventionnelle. Si les efforts des SMUR et des SAMU ont depuis quelques années porté sur l'intervention primaire et par conséquent sur la thrombolyse pré hospitalière, aujourd'hui heureusement banalisée, il faut maintenant permettre aux malades les plus graves d'arriver jusqu'au centre de cardiologie interventionnelle. Les efforts doivent donc aussi être faits sur ces malades jusque là jugés "intransportables". C'est ainsi que l'assistance circulatoire de transport par contre pulsion par ballonnet intra aortique se développe afin que les exclus du transport ne viennent pas grossir le rang des exclus de la reperfusion.

REFERENCES

1. Gibler W, Wilcox R, Bode C and all. Prospective use of platelet glycoprotein IIb/IIIa a receptor blocker in the emergency department setting. Europ. Journal of Emergency Medicine 1998 ; 5 : 391-402.
2. Task Force on the management of acute myocardial infarction of the european society of cardiology. Acute myocardial infarction : pre-hospital and in-hospital management. European Heart Journal 1996 ; 17 : 43-63.
3. Renard M, Rahnana M, Lempereur M, Mircex D. L'infarctus aigu du myocarde : de la suspicion clinique au diagnostique. JEUR 1998 ; 1 : 34-41.
4. Samain E. Diagnostic et prise en charge de l'infarctus du myocarde péri opératoire. Le Praticien en Anesthésie-Réanimation 1998 ; 2 : 35-39.
5. The European Myocardial Infarction Project : Group prehospital thrombolytic patients with suspected acute myocardial infarction. N. Engl. J. Med 1993 ; 329 : 383-389.
6. Weaver W, Cerqueira M, Hallstrom A and all. Prehospital initiated versus hospital initiated therapuy : the myocardial infarction triage and intervention triage (MITI). JAMA 1993 ; 270 : 1211-1216.
7. The Gusto investigators. An international randomized trial comparing four thrombolytic strategies for acute myocardial infarction. N. Engl. J. Med. 1993 ; 329 : 673-682.